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    Après les attentats de Paris, une analyse de Hubert Montagner

    dimanche 15 mars 2015

    LA SEMAINE SANGLANTE DE JANVIER 2015.
    POUR UN VRAI DEBAT DE SOCIETE

    Hubert MONTAGNER
    Professeur des Universités, ancien Directeur de Recherches à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

    Comme tout citoyen, je m’interroge sur la semaine sanglante de janvier 2015 qui a fait chavirer notre âme et notre raison. Mais, au delà de la société française, il me semble évident que c’est la civilisation qui est touchée au cœur, c’est à dire, selon le Larousse, dictionnaire de la langue française, « l’ensemble des comportements, des valeurs supposées témoigner des progrès humains, de l’évolution positive des sociétés (par opposition à barbarie) ». La blessure est profonde car la tragédie qui nous frappe est une injure à l’Evolution de l’espèce humaine.

    Désormais, il faut résister avec la plus grande détermination aux ayatollahs et autres curés de toutes obédiences qui veulent nous enfermer dans une spirale ou une « logique » d’asservissement, qu’elles soient religieuses, politiciennes, économiques, culturelles, sociétales ou autres. Nous devons prendre le temps d’expliquer sans relâche aux « soldats » perdus, « en herbe » ou « en germe » qu’il n’y a pas de spiritualité, religieuse ou non, sans liberté de pensée et sans respect des autres. Il ne faut pas hésiter à souligner que, proclamé ou autoproclamé prophète ou non, il n’y a pas de « personnage » sacralisé, mythique ou gourou qui puisse détenir une vérité révélée. Même si, face au fanatisme, à l’endoctrinement et à l’enfermement quotidien dans un milieu clos, maltraitant, anxiogène, angoissant ou misérable, un tel pari peut paraître insensé ou impossible. Il faut en effet essayer inlassablement de faire prendre conscience à nos semblables de toutes origines, de toutes conditions et de tous âges, en particulier les enfants et les adolescents, que la pensée des humains ne peut être « capturée » et mise en cage, ou figée dans un dogme. Expliquons sans relâche que la pensée de chaque personne est forcément singulière, multiforme, buissonnante et sans cesse en mouvement, quelles que soient les particularités, les origines, l’histoire et la culture des uns et des autres. C’est le propre des individus qui appartiennent à l’espèce Homo sapiens sapiens, la plus accomplie de l’Evolution.

    Ainsi pourrait être mieux discutés l’illusion ou le mythe d’un savoir et d’un pouvoir supposés « supra-humains » qui seraient légués ou délégués à des « ambassadeurs » terriens, ainsi détenteurs autoproclamés ou désignés d’une vérité absolue. Mais, à condition de reconnaître et respecter l’éventail infini des croyances, convictions, hypothèses, espérances et autres constructions mentales, c’est à dire la liberté de penser, forcément inaliénable. Individuelles ou collectives, elles sont toutes « naturelles », c’est à dire « biologiquement fondées », avant d’être traditionnelles, culturelles, religieuses ou autres. En effet, et en vérité, la plasticité des neurones et du « fonctionnement neuronal » confère à chaque être humain une « carte d’identité » flexible de la pensée et des conduites, c’est à dire opportuniste, changeante et évolutive en fonction des circonstances, de l’environnement, des expériences individuelles et du vécu. Ses facettes sont à priori infinies, parfois contradictoires ou même antinomiques. Cette « carte d’identité » ne peut donc être enfermée dans une « camisole de force » idéologique, domestiquée ou « tenue en laisse », même si elle est manipulable et falsifiable.

    Faisons le pari de la « raison expliquée », tout en reconnaissant qu’elle est ancrée dans les émotions, l’affectivité, l’imaginaire, les phantasmes et le vécu, et qu’elle échappe donc à la « rationalité cartésienne » « pure et dure » (voir « L’erreur de DESCARTES » du neurobiologiste Antonio DAMASIO).

    Même si un tel état d’esprit est utopique, il devrait être au coeur des missions fondamentales de l’école de la République, creuset de l’intelligence critique, et guider la réflexion sans tabou dans les « groupes de parole », débats, forums… au sein et en dehors de l’école, sans qu’ils soient pour autant ou forcément des séminaires de philosophie. Tout doit pouvoir être critiqué dès lors qu’on adopte la définition de la critique donnée par le LAROUSSE, c’est à dire « appréciation de l’authenticité d’une chose, de la valeur d’un texte ». Mais, en prenant soin de poser clairement les « règles du jeu » qui peuvent assurer une circulation partagée de la parole critique et de la défense des idées et opinions critiquées. C’est ainsi qu’on peut donner pleinement du sens aux savoirs et aux connaissances. Si « nous sommes tombés par terre » avec l’attentat contre Charlie Hebdo, « c’est pas » « la faute à VOLTAIRE ». c’est à dire à l’intelligence critique. Portée par la tolérance (« Le traité sur la tolérance » par VOLTAIRE) , l’intelligence critique est toujours salutaire. C’est l’absence de sens critique et de tolérance qui nourrit et porte l’ignorance, l’incompréhension, la violence la folie destructrice et la mise à mort.

    Cependant, la libération des mots, le dialogue et le débat ne sont pas suffisants, en particulier à l’école. En effet, pour que les enfants et les adolescents puissent recevoir, entendre et écouter les messages qui leur sont adressés, ou qu’ils s’adressent à eux-mêmes, il faut qu’il soient « habités » peu ou prou par la confiance en soi, la confiance dans les autres et l’estime de soi, et qu’ils puissent relativiser ou dépasser les peurs, l’anxiété, les angoisses et les inhibitions qui les minent. Ils peuvent alors libérer l’intelligence critique. C’est ce qu’on observe quand un enfant ou un adolescent s’installe et se conforte dans la sécurité affective, c’est à dire le sentiment de ne pas être abandonné, oublié, délaissé, rejeté, maltraité, en danger, tout en étant reconnu comme une personne qui regarde, écoute et entend… et qu’on regarde, écoute et entend. Les enfants et les adolescents peuvent alors libérer la parole, et en même temps toute la gamme de leurs émotions, tout en les partageant avec les autres. Malgré les désaccords ou divergences dans le discours et la pensée, ils peuvent ainsi s’engager dans des interactions accordées qui autorisent les ajustements comportementaux, émotionnels, affectifs et rythmiques. En même temps, ils rendent lisible, audible et fonctionnelle toute la gamme de leurs « compétences-socles », c’est à dire les possibilités, potentialités et capacités qui permettent de s’exprimer clairement, de communiquer, de privilégier les conduites affiliatives, de canaliser ou ritualiser l’agressivité latente, d’entrer sans violence dans les interactions sociales, de libérer les processus cognitifs, ressources intellectuelles et créativités qui permettent de trouver des solutions partagées. Sans sécurité affective, l’injonction proclamée à tous vents « il faut qu’ils mettent des mots sur… » en évoquant les enfants et adolescents qui doivent faire face à un événement inquiétant, angoissant, traumatisant ou traumatique, reste un slogan… et un leurre.
    Cependant, « l’architecture » psychique et psychophysiologique qui sous-tend et structure la sécurité affective, ne peut s’édifier et se consolider à l’école sans une profonde rénovation et une redéfinition de ses fondations, fondements et fondamentaux. C’est à dire, pour résumer mes propositions habituelles, même si je ne suis pas pédagogue et ne prétends pas être compétent en matière de pédagogie :

    ** une redéfinition des finalités de l’école (une école maternelle, une école élémentaire, un collège, un lycée, une université… pour quoi faire… pour quels enfants et adolescents… pour quelles familles… pour quelle société… pour quels besoins de la société ?) ;

    ** une prise en compte réelle des différences individuelles dans le développement, les conduites, les rythmes, les ressources cognitives, intellectuelles, corporelles… et la pensée, à chaque âge et au fil des âges, sans « oublier » les particularités ou étrangetés que l’on qualifie de débilité, marginalité, handicap… ;

    ** des stratégies d’accueil délibérément bienveillantes et rassurantes qui ne renvoient pas les jeunes à leurs difficultés ni à celles de leur famille, à une « impossibilité » intellectuelle de comprendre, d’apprendre, de se projeter dans l’avenir ou d’accepter les règles majeures de la société dont ils sont des citoyens. Il faut les accompagner dans leurs espoirs, espérances, ambitions et contradictions apparentes ou réelles, même si nous ne comprenons pas ce qu’ils disent, écrivent, dessinent, chantent ou dansent ;

    ** une organisation institutionnelle, pédagogique, relationnelle, temporelle et spatiale qui ne soit pas à contretemps des réalités portées par les élèves ou étudiants dans la journée, la semaine et l’année, ou incompatible ;

    ** une formation des enseignants et des pédagogues qui ne se limite pas aux concepts, théories, démarches, stratégies, méthodes et techniques supposés être « l’armature » obligée de la transmission des savoirs et connaissances. Il faut aussi mieux apprendre et comprendre les personnes « du moment » et « en devenir » que sont les enfants et les adolescents, mais aussi les réalités familiales, sociales et culturelles de leurs lieux et milieux de vie ;

    ** une évolution des établissements scolaires ou universitaires vers des écosystèmes où les parents, familles et autres entités concernées puissent être des acteurs en alliance avec les enseignants et les autres professionnels (RASED, ATSEM…) dans l’intérêt supérieur des enfants et des adolescents.

    Je reviendrai plus loin sur quelques éléments particulièrement actuels.
    Auparavant, je dois essayer de comprendre après avoir été atterré par l’exécution des JUSTES de Charlie Hebdo, comme toute personne éprise de liberté, d’égalité, de fraternité non galvaudée, de laïcité non négociable, d’attachements, d’amours, d’amitiés et de complicités partagées, tout en étant préoccupé par-l’ignorance, la lâcheté, la violence et la terreur aveugle. Au delà des aspects politiques, ces JUSTES, « généreux des nations du monde » (traduction de l’hébreu), ont été des combattants inlassables pour une information libre, dégagée des tutelles et des tabous. Sans oublier évidemment les autres fusillés, qu’il s’agisse des camarades et collaborateurs du journal, des policiers ou des personnes de confession juive, tous victimes expiatoires de tueurs fanatiques, commandités par des chefs de guerre décérébrés et ivres de sang qui tuent, violent, asservissent et détruisent sans vergogne, confortablement installés dans leur(s) « sanctuaire(s) ».

    On ne soulignera jamais assez que les JUSTES de Charlie Hebdo étaient des phares et des puits de sagesse, pétris de respect pour autrui, de don de soi, de courage, d’humanité, de raffinement épuré, et aussi de tendresse (au vrai sens des mots). Les survivants sont à leur image. Au service de la liberté, ils étaient des architectes de la dignité universelle, des gardiens de l’honneur, des orfèvres de la dérision et des ciseleurs de la pensée. Ils rejoignent le Panthéon de ceux et celles qui ont façonné pour nous la belle identité d’un Etat et d’une Nation à l’âme universelle, animés par la défense intransigeante des Droits de l’Homme, malgré la trahison récurrente d’opportunistes, de manipulateurs, de bonimenteurs, d’imposteurs et de mystificateurs qui anesthésient la lucidité, et insultent les différences. Le sang versé par les JUSTES de Charlie Hebdo et leurs amis, par les policiers et par les croyants de la communauté judaïque, nous confère l’obligation de rester dignes et vigilants face aux hydres toujours reconstituées, porteuses de poison, de violence, de souffrance, de terreur et de mort. Taillons les « crayons » des enfants, des adolescents et de tous les autres pour sublimer la beauté et les symboles de la vie plurielle, pacifique, souriante et ouverte. Permettons en particulier aux enfants de dessiner sans restriction la beauté et les symboles, de les écrire, les peindre, les calligraphier, les imprimer, les sculpter… de les mettre en poésie, en musique, en chansons, en spectacles chorégraphiques, en hymnes au sport… et d’exprimer ainsi l’indicible de l’âme, en toute liberté.

    En effet, il n’y a pas que les mots qui » disent la pensée ». Nos ancêtres de la Préhistoire ont ouvert la voie à l’expression de la beauté et des symboles mêlés dans les « grottes ateliers » qu’ils ont ornées de chefs d’œuvres, à l’aube et en ouverture d’une humanité qui s’annonçait resplendissante (LASCAUX, CHAUVET, COSQUER…). En se découvrant des compétences et créativités picturales, ils ont libéré leur pensée, leurs émotions, leur imaginaire, leurs phantasmes, leur « âme d’artiste », leurs ressources intellectuelles… « au bout » de « charbons-crayons ». Pourtant, ils devaient être d’une vigilance sans faille pour survivre aux menaces et agressions d’un environnement hostile. Au fond, les peintures rupestres sont des hymnes au seul plaisir de se faire plaisir, en toute liberté, malgré les prédateurs et les dangers permanents « de l’extérieur ». Quelle formidable « nourriture » spirituelle pour la plasticité neuronale de nos ancêtres de la Préhistoire ! Au fond, les représentations de la vie à travers l’art pariétal ont ouvert les portes à la liberté d’expression et, par là même, à une évolution vers des organisations « groupales », sociales et intelligentes d’essence humaniste, des cultures imprégnées de beauté et de symboles, et des capacités d’invention « multiformes », malgré les forces « brutes » de l’environnement naturel… ou peut-être grâce à elles. Le ver de l’humanisme était dans le fruit de la liberté d’expression. L’Humanité pouvait poursuivre son essor après une Evolution singulière, multiforme, buissonnante et sans cesse en mouvement des hominidés, à l’image de notre cerveau et de notre pensée. Nos ancêtres de la Préhistoire avaient un avantage sur nous : il n’y avait pas d’ayatollah pour empêcher l’éclosion et le triomphe de la liberté d’expression.

    Ainsi que je l’ai souligné, la tragédie que nous venons de vivre nous renvoie forcément au système éducatif, en particulier à l’école, et pas seulement aux insuffisances, violences ou impuissances de la société.
    On ne peut en effet accepter un système scolaire qui repose essentiellement sur le quadrillage du cerveau de l’élève dans des cases formatées par et pour les apprentissages dits fondamentaux auxquels chacun devrait « être préparé à se préparer » dès la petite enfance. De nouveau, au risque de radoter, je ne peux accepter l’idée simpliste ou la « certitude phantasmée » que le petit de Homo sapiens sapiens est programmé génétiquement, familialement, socialement, culturellement… ou doit l’être pour devenir inéluctablement un écolier qui doit savoir lire, écrire et compter entre six et sept ans, en tout cas à la fin du Cours Préparatoire. C’est sans aucun doute une aberration, au mieux un dogme ou une illusion, en tout cas si on se fonde sur les réalités singulières, multiformes, buissonnantes et sans cesse en mouvement du cerveau et de la pensée des êtres humains « en cours de construction ».
    C’est le développement de la personne et non l’âge qui organise et reflète la dynamique et la complexité des constructions cérébrales et corporelles. Il serait temps de prendre conscience en effet que le développement d’un enfant dans ses différentes composantes ne se confond pas « simplement » avec la croissance de l’organisme et « l’avancée en âge », et ne répond pas forcément à l’idée que les adultes s’en font. Il serait temps d’ouvrir les yeux et de reconnaître qu’il y a dans le développement des êtres humains des différences individuelles qu’on ne peut ignorer ou passer sous silence. Pour prendre un exemple évident. l’immense majorité des enfants élevés et éduqués dans un milieu de « détenteurs » du pouvoir et des décisions, de nantis, de « sachants », plus généralement dans un environnement riche en ressources de tout ordre, sans contraintes « empêchantes » ou « invalidantes », avec à tout moment des possibilités et solutions multiples, ont la plus forte probabilité de se réaliser aussi pleinement que possible, même dans le cadre d’une éducation et d’un enseignement formatés, apparemment rationalistes et cartésiens, ou se plier à leurs exigences. En revanche, cela n’est pas le cas des enfants qui cumulent les difficultés personnelles, familiales, sociales ou autres au sein d’une famille qui cumule également des difficultés « empêchantes » ou « invalidantes ». C’est une réalité aveuglante, quelles que soient les grilles d’analyses, concepts et théories des responsables éducatifs, des experts en pédagogie ou en Sciences de l’Education. En enfermant les enfants-élèves dès l’école maternelle dans le corset des situations formelles et formatées des apprentissages dits fondamentaux, puis en le resserrant (dans le système du Ministre Xavier DARCOS : 2h.30 de français et 1h.15 de calcul par jour au Cours Préparatoire !), on appauvrit les constructions cérébrales et corporelles de tout ordre, implicitement considérées comme non fondamentales, c’est à dire accessoires ou secondaires. Y compris celles qui organisent et façonnent la cognition, la germination et la « fermentation » des idées, le « bouillonnement intellectuel » et la pensée multiforme.
    Dans le corset resserré des apprentissages dits fondamentaux, on ne permet pas au cerveau de « respirer » et d’assimiler « autre chose » que ce qui est imposé. On ne lui permet pas de libérer les élans, façons d’être, façons de faire et façons de penser de la « personne élève » dans des registres émotionnels, affectifs, imaginaires, créatifs… non encadrés. En d’autres termes, de révéler, structurer et rendre fonctionnelles des possibilités, potentialités, capacités ou compétences, perceptions, idées, résolutions des problèmes… masquées, cachées, retenues, inhibées… en tout cas non lisibles ou non fonctionnelles dans les situations étroitement encadrées, à l’école et ailleurs. Fort heureusement, de nombreux enseignants limitent les dégâts en transgressant les « directives-oukases » de l’Administration du Ministère de l’Education Nationale. Mais, c’est souvent sans perspective clairement lisible, faute de temps, d’énergie, de liberté pédagogique et de possibilité de « faire autrement ».

    On ne changera jamais rien dans l’intérêt supérieur des enfants… et de la nation, si on ne comprend pas (si on ne veut pas ou ne sait pas comprendre) que chaque enfant doit avoir la possibilité de se construire ou se reconstruire dans ses dimensions d’enfant, au moins partiellement, avant de pouvoir se réaliser dans ses dimensions d’élève, ou de former l’idée que c’est possible. Il peut alors bénéficier d’une pédagogie dans laquelle il ait envie de s’engager (nous avons de très bons pédagogues en FRANCE). Pour ceux qui ont eu le privilège de suivre des enfants pendant des années dans leurs différents lieux et milieux de vie, il est évident qu’on ne peut ignorer les socles ou fondements incontournables qui permettent à un enfant de libérer ses possibilités, potentialités, envies, compétences ou capacités, talents… tout en acquérant d’autres, quelles que soient ses ressources intellectuelles. On bride ou ignore l’intelligence critique, pourtant nécessaire pour donner sens et signification aux informations et messages que le cerveau reçoit, génère et « émet ». Incapable de permettre aux enfants de libérer des ressources non formelles et formatées, l’école enferme les enfants dans des moules conventionnels et « invalidants ».

    Il est vital pour l’avenir des enfants et de la nation que les gardiens du temple scolaire qui élaborent les programmes pédagogiques prennent conscience que leur(s) certitude(s) reposent souvent sur des à priori, routines, dogmes, concepts et/ou théories pédagogiques qui ignorent les dimensions humaines des différents élèves à chaque âge et d’un âge à l’autre. Il est temps qu’ils reconnaissent clairement la diversité des « voies » empruntées par les différents enfants pour comprendre et apprendre (pour être prêts à comprendre et apprendre), et la singularité au fil du temps des transformations biologiques et mentales (émotionnelles, affectives, cognitives, imaginaires) dans les différents lieux et milieux qui les façonnent. Les apports des neurosciences sont complètement ignorés, mal « digérés » ou mal compris, alors que la plasticité neuronale autorise toutes les flexibilités et évolutions temporelles, en tout cas lorsqu’il y a dans l’environnement des serrures qui peuvent être ouvertes par les « clés neuronales » de chacun. Sans oublier que, forcément, l’être humain et l’environnement changent au fil du temps et des événements, et donc que les serrures et les clés évoluent d’un moment à l’autre du développement. C’est pourquoi, l’école doit réfléchir aux situations, environnements, stratégies relationnelles, organisations spatiales, organisations temporelles… qui nourrissent la plasticité neuronale et la flexibilité de la pensée, et ne plus s’enfermer dans les seules considérations de programmes de moyennes et de normalité. Elles sont antinomiques avec les réalités du développement individuel.

    Libérons le cerveau et la pensée des enfants et des adolescents dans leurs différents lieux et milieux de vie, en particulier à l’école, pour qu’ils puissent s’engager en toute liberté et connaissance, sans tabou et sans appréhension, dans « l’appréciation de l’authenticité d’une chose, de la valeur d’un texte », c’est à dire la notion de critique, telle qu’elle est définie par le Larousse. C’est le meilleur bouclier contre l’ignorance, l’obscurantisme, la violence et la terreur aveugle (ou « éclairée »).



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