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En effet, si l’homme dĂ©grade en lui la facultĂ© intelligente au point d’asservir sa raison Ă  l’empire des passions charnelles, dès lors il change tout entier de forme ; il perd cette beautĂ© divine qu’il empruntait Ă  son modèle et n’offre plus que la ressemblance hideuse de la brute. Tel est le fruit des soins complaisants que la raison a pour les passions charnelles et du zèle qu’elle met Ă  en dĂ©velopper les germes. Grâce Ă  cette culture assidue, il s’élève bientĂ´t dans le cĹ“ur de l’homme une ample et riche moisson de vices. Ainsi le dĂ©sir des voluptĂ©s est en nous le rĂ©sultat de la ressemblance que nous avons avec la brute ; mais nos fautes ont rendu ce dĂ©sir si insatiable que les plaisirs dont se contentent les animaux privĂ©s de raison sont bien loin d’égaler en nombre tous ceux qu’a inventĂ© parmi nous le caprice effrĂ©nĂ© d’un coupable libertinage. Ainsi encore le penchant qui nous porte Ă  la colère n’est pas sans rapport avec la fureur des bĂŞtes fĂ©roces ; mais, grâce au secours de la raison, ce penchant acquiert chez l’homme un merveilleux dĂ©veloppement. N’est-ce pas sa complicitĂ© funeste qui fait naĂ®tre dans un cĹ“ur irritĂ© le ressentiment implacable, l’envie, la dissimulation, le mensonge et la fourberie ? Car ce sont lĂ  les fruits nĂ©cessaires de cette culture pernicieuse de l’âme dont la faute est Ă  la raison ; et, sans doute, si la passion que nous appelons colère Ă©tait privĂ©e du secours et des soins complaisants de la raison, elle ne serait qu’un emportement momentanĂ© et sans force, qui s’élèverait comme une bulle lĂ©gère pour s’évanouir comme elle. Ainsi le porc avide se jette gloutonnement sur sa nourriture ; et l’homme, en l’imitant, a connu l’insatiable cupiditĂ© ; ainsi le fier coursier lève une tĂŞte superbe ; et l’homme, suivant son exemple, s’est montrĂ© plein d’orgueil et d’arrogance. Enfin nous avons empruntĂ© Ă  la brute toutes les passions qui troublent notre âme, et ces passions, en usurpant sur notre raison un empire illĂ©gitime, ont donnĂ© naissance Ă  tous les vices. Si, au contraire, la raison Ă©tablit sa souverainetĂ© sur les passions, chacune d’elles revĂŞt alors le caractère d’une vertu. Le courage naĂ®t de l’impĂ©tuositĂ©, la prudence de la timiditĂ©, la soumission de la crainte, la haine se change en aversion pour le vice, les affections sympathiques se confondent dans l’amour de la vĂ©ritable vertu ; la fiertĂ© nous Ă©lève au-dessus des orages de la vie ; elle fait souvenir l’âme de la grandeur de sa nature, et l’empĂŞche de cĂ©der la victoire aux vices et de devenir l’esclave de ses esclaves.

 

Saint Grégoire de Naziance.


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