L’opinion toute faite qui a cours parmi les grandes personnes au
sujet des enfants comporte un préjugé néfaste, qui leur fait croire au
" primitif " de ces enfants. Elles ne peuvent s’imaginer
que ceux-ci sont fort capables de penser et de combiner leurs idées d’une façon
tout à fait rationnelle, de procéder avec méthode pour atteindre un but, qu’ils
peuvent apprécier les choses et les juger, qu’ils disposent d’une logique
intérieure, qu’ils observent, tirent des conclusions, et que, tout bien
considéré, ils ne sont pas du tout aussi " innocents "
qu’on le croit, mais aussi raffinés dans leurs procédés que des adultes. Leur
" innocence " consiste simplement Ă ne pas dissimuler leurs
actions et leurs sentiments en les drapant sous les plis de la morale, comme le
font les adultes, mais Ă accomplir au vu et au su de tout le monde leurs
petites infamies et leurs cruautés.
L’enfant est moins bien défendu, parce qu’il ne sait pas encore tirer
parti de cette hypocrisie qui permet aux grandes personnes de donner un nom
honnĂŞte Ă leurs plus basses actions.
Ernst
Glæser, Classe 22.