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C'est pourquoy sitost que l'aage me permit de sortir de la sujetion de mes Precepteurs, je quittay entierement l'estude des lettres. Et me resolvant de ne chercher plus d'autre science, que celle qui se pourroit trouver en moymesme, oubien dans le grand livre du monde, j'employay le reste de ma jeunesse à voyager, à voir des cours, et des armées, à frequenter des gens de diverses humeurs et conditions, à receuillir diverses expériences, à m'ésprouver moymesme dans les rencontres que la fortune me proposoit, et partout à faire telle reflexion sur les choses qui se présentoient que j'en pusse tirer quelque profit. Car il me sembloit que je pourrois rencontrer beaucoup plus de vérité dans les raisonnemens que chascun fait ; touchant les affaires qui lui importent, et dont l'evenement le doit punir bientost après s'il a mal jugé ; que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des speculations qui ne produisent aucun effect, et qui ne luy sont d'autre consequence, sinon que peutestre il en tirera d'autant plus de vanité qu'elles seront plus esloignées du sens commun : a cause qu'il aura deu employer d'autant plus d'esprit et d'artifice à tascher de les rendre vraysemblables. Et j'avois tousjours un extreme désir d'apprendre a distinguer le vray d'avec le faux, pour voir clair en mes actions, et marcher avec assurance en cette vie.

René Descartes, Discours de la Méthode, 1637.


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