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    Garde à vue d’un lycéen en décembre 2008

    dimanche 14 février 2010

    Christophe DC

    né le 21 novembre 1992.

    Récit de la garde à vue du 29 au 30 décembre 2008.

    Suite à la plainte déposée contre moi par Madame la Proviseure du lycée J.-C. à N., dont j’étais élève de seconde jusqu’à mon exclusion par décision du Conseil de discipline (décision dont j’ai fait appel devant la commission rectorale, par ma mère), j’ai été convoqué au commissariat de N. le lundi 29 décembre à 10h. Je suis arrivé, accompagné de ma mère et d’une professeure du lycée. Deux de mes camarades, les déléguées qui avaient protesté contre mon exclusion et également visées par la plainte de la proviseure, étaient là aussi. J’ai été rapidement séparé de tout le monde, ma mère n’a pas été autorisée à me suivre et j’ai décliné mon identité dans un bureau. Le policier m’a informé en me disant : « Tu es en garde à vue » et il a confirmé suite à ma demande que j’allais recevoir les visites d’un médecin et d’un avocat.

    On m’a fait asseoir sur un banc, devant le comptoir où se trouvait le surveillant des cellules, on m’a menotté par un poignet au banc. J’ai attendu une vingtaine de minutes, puis un policier est venu me détacher et m’a emmené dans une pièce à part ; il m’a fait déposer mon téléphone portable, ma gourmette, ma montre et les cordons de mes vêtements, mon bonnet, et il m’a demandé de me déshabiller. Ce que j’ai fait, mais je me suis arrêté au caleçon. Le policier m’a ordonné de l’enlever et j’ai refusé en disant : « Non, je ne me mettrai pas nu devant vous. » Il m’a alors répondu, menaçant : « Enlève-le où c’est moi qui te l’enlève ! » J’ai à nouveau refusé et il n’a pas mis sa menace à exécution. Après avoir fouillé mes vêtements, il m’a dit de me rhabiller, il avait enlevé le cordon de mon sweat-shirt, et il m’a menotté en serrant les menottes très fortement et m’a conduit en cellule, devant laquelle il m’a enlevé les menottes. Il m’a demandé d’enlever mes chaussures, je lui ai demandé pourquoi je ne pouvais pas garder mes chaussures puisqu’il les avait fouillées et qu’il n’y avait pas de lacets, il m’a répondu que c’était lui qui décidait et de « fermer ma gueule » et de rentrer dans la cellule ! Elle était assez grande, avec une sorte de bout de mur au fond avec un matelas et plusieurs couvertures qui avaient une odeur insoutenable. Il n’y avait pas de toilettes ni de robinet, pour faire ses besoins, ou boire de l’eau. J’ai dû faire appel au surveillant de garde et attendre qu’il veuille bien me laisser aller aux toilettes et boire de l’eau. Je me disais qu’il valait mieux ne pas avoir d’envie pressante...

    Au bout d’une certain temps, il devait être 11h/11h30, on est venu me chercher et je me suis retrouvé dans un bureau à répondre aux questions qu’on me posait. Cet interrogatoire était enregistré avec une caméra. J’ai répondu en racontant ce qu’il s’était réellement passé, que je n’avais pas vraiment menacé la proviseure, que c’était des paroles d’énervement après cette décision d’exclusion que j’estimais profondément injuste alors que j’étais en train de faire des efforts pour ne plus être absent à certains cours, qu’il y avait eu ce mouvement lycéen et que j’avais le sentiment qu’on voulait me punir de la part que j’y avais prise. C’est au milieu de cet interrogatoire que l’avocate que j’avais rencontrée au préalable, le vendredi précédent cette convocation au commissariat, est arrivée. Nous avons parlé de l’affaire, elle a essayé de me rassurer, que tout allait se passer normalement, que je pourrai bientôt rentrer chez moi, après être passé chez le juge ; elle m’a donné de bons conseils pour me comporter dans la suite de l’interrogatoire, qui a repris lorsqu’elle est reparti. Cet interrogatoire était très sec : la policière n’arrêtait pas de me faire la leçon de manière humiliante, en me tutoyant et en m’expliquant que j’avais bien mérité ce qui m’arrivait...

    Je n’avais rien mangé depuis le matin, la faim hantait mon estomac, l’heure du déjeuner arriva. Content, j’eus le choix entre deux plats congelés : poulet basquaise ou bœuf carottes, j’ai choisi le poulet. Quelques minutes après, on m’a apporté le plat, il avait l’air appétissant, sauf qu’à la première bouchée je me suis rendu compte que le poulet était encore congelé à l’intérieur et le riz cru et froid. J’ai demandé au surveillant de me le réchauffer et il m’a répondu : « Je ne suis pas cuisinier alors tu manges et en silence ! » Pris par la faim, j’ai mangé ce plat à moitié congelé.

    Une ou deux heures après le déjeuner – je perdais la notion du temps – on est venu me faire changer de cellule. Cette nouvelle cellule était beaucoup plus petite que la précédente, il y avait aussi un matelas posé sur un muret de béton avec deux couvertures puantes, mais il y avait une odeur encore plus horrible qui venait du fond : je suis allé voir la provenance de cette odeur infecte, elle venait de toilettes banales, avec siège, mais apparemment la chasse d’eau ne fonctionnait pas et quand j’ai voulu les utiliser il y avait des excréments d’autres personnes qui débordaient, j’ai été complètement bloqué par la vue et l’odeur. J’ai demandé à pouvoir aller aux toilettes générales mais le policier m’a répondu en ricanant : « T’as des toilettes alors fais pas chier ! » Je n’ai pas répondu et je suis resté assis sur le matelas... Quelques temps plus tard, on est venu me rechercher, on m’a emmené dans un bureau, on m’a fait asseoir sur une chaise, j’avais une sorte d’écriteau aux pieds, on m’a pris en photo en entier, la figure de face et de profil, et ils ont également pris les empreintes. Je suis revenu en cellule, et encore un peu plus tard, on m’a ramené dans le bureau où j’avais été fouillé et un agent avec des gants et un masque sur le nez et la bouche m’a passé un coton-tige dans la bouche : je ne comprenais rien à ce qui se passait, on ne me donnait aucune explication, je me suis rendu compte après que c’était pour relever mon ADN...

    Enfin, vers 19H00, on est venu me changer à nouveau de cellule : et là je me suis rendu compte que c’était encore plus répugnant que les deux précédentes ! J’ai été pris d’un haut-le-coeur en entrant et j’ai failli vomir. Ce qui a fait rire le policier ! Qui m’a dit alors : « C’est ta chambre pour la nuit, habitue-toi vite parce que tu ne sors plus jusqu’à demain ! ». J’étais toujours en chausettes, sans ma veste, il faisait très froid, comme dans une cave, j’ai regardé : les murs étaient couverts d’inscriptions avec des doigts qui avaient servi de plume et les excréments d’encre... Un petit muret, comme dans les autres cellules, mais cette fois sans matelas avec une seule couverture. Par terre, je faisais attention où je mettais les pieds, il y avait des traces visqueuses, des crachats et des gens de toute évidence s’étaient masturbés là... Les toilettes au fond étaient « à la turque », en acier, couvertes d’excréments qui débordaient et je me suis rendu compte que la commande de la chasse était à l’extérieur de la cellule. Plusieurs fois j’ai demandé au surveillant qu’il veuille bien la tirer, il rigolait, il me disait qu’il allait le faire et il ne l’a jamais fait. Au moment du dîner, je n’avais plus le choix, j’ai eu droit au boeuf carottes congelé : malgré le goût et l’odeur j’ai mangé... Un petit moment après le dîner, j’ai dit que j’avais très froid : et le surveillant m’a apporté une de mes vestes, et j’ai appris après que c’était ma mère qui l’avait apportée. J’ai essayé de me couvrir la tête et la figure avec, malgré le froid, pour essayer de diminuer l’odeur épouvantable. J’ai quand même essayé de me coucher sur ce muret sans matelas et de dormir mais la lumière était tellement aveuglante que tout sommeil restait impossible. Je n’ai absolument pas pu dormir de la nuit : je somnolais et me réveillais sans arrêt... Je me repassais dans la tête tous les événements, je passais de l’abattement à la colère, j’étais pris d’envie de tout casser – mais il n’y avait rien à casser ! Je me revoyais devant la proviseure et j’avais des envies de vengeance...

    Le matin, on m’a donné deux petites galettes et une petite brique de jus de fruit, et vers 9h00, l’agente qui m’avait interrogé la veille m’a fait sortir de la cellule : on m’a fait signer un papier, j’ai récupéré le cordon de mon sweat-shirt, mes chaussures, et tous les objets (mon téléphone notamment) qui m’avaient été retirés à la fouille. J’étais content, je croyais que j’allais pouvoir rentrer à la maison ! Mais quelques secondes après, j’ai vu arriver S. que deux policiers en uniforme accompagnaient : elle était menottée. Ils m’ont menotté aussi, très serré, j’ai demandé qu’ils desserrent mais ils n’ont rien fait ni répondu et on s’est retrouvé dans un fourgon qui a démarré. Les poignets me faisaient mal... Dans le fourgon j’ai demandé à Sarah où nous allions, elle ne savait pas non plus et les agents ne nous répondaient pas.

    Une dizaine de minutes environ après nous sommes arrivés à la préfecture de N. par une entrée qui m’était inconnue. J’avais toujours les menottes très serrées... L’agent me fit avancer, entrer dans la préfecture et il me fit m’arrêter devant une petite porte. S. y entra la première, elle y resta une quinzaine de minute et ressortit. Mon policier me fit entrer dans la pièce : elle était très petite. J’ai retiré mes vestes comme un des agents me l’a demandé, et l’autre agent s’est mis à se moquer de moi en ricanant : « T’es pas aussi costaud que ça, tu es même tout sec ! ». Ils m’ont fouillé mais je n’ai pas eu à me déshabiller, j’ai déposé mes affaires dans un carton et j’ai signé un papier, c’était mon entrée au « dépôt ». Personne ne donnait la moindre explication, je ne savais toujours pas pourquoi j’étais là, ce que je faisais dans cet endroit et mes questions aux agents restaient sans réponse. D’autres policiers sont venus et m’ont emmené dans un étage : j’ai été menotté au banc et S. était sur un autre banc juste devant moi. S. a demandé si elle pouvait aller aux toilettes et un agent de police, assez âgé, dit à deux policiers hommes de l’emmener dans une cellule pour mineurs pour satisfaire sa demande. S. a refusé : elle ne voulait pas aller aux toilettes accompagnée de deux agents hommes ! L’agent assez âgé vint alors la voir et s’écria : « Mais t’es conne ou quoi ? Ils ne vont pas te regarder c’est juste pour qu’il n’y ait pas de problèmes ! », S. resta muette et moi aussi. On m’a emmené ensuite dans une pièce à part et le policier m’a posé des questions sur mon affaire et je n’ai pas répondu : j’avais donné les coordonnées téléphoniques de mon avocate et je l’attendais. La cellule était propre et il y avait des toilettes propres. Au déjeuner j’ai eu droit à deux oeufs durs coupés en deux, un morceau de camembert tout écrasé, deux bouts de pain durs comme des os et une pomme. J’ai tout mangé parce que j’avais faim.

    Après quoi je suis passé dans le bureau du juge pour enfants. Du coup, malgré ce que m’avait déjà dit l’avocate au commissariat, j’avais très peur de me retrouver en prison ! Ma mère et mon avocate étaient là. J’ai raconté simplement tout ce qu’il s’était passé à la fin de ce conseil de discipline, que j’étais très en colère, surtout que j’avais fait des efforts pour ne plus être absent en cours, mais que personne n’en avait tenu compte à cause certainement du rôle que j’avais joué dans le mouvement lycéen, et que je n’avais pas du tout l’intention d’insulter ou de menacer la proviseure elle-même, ou de brûler le lycée, que c’était des phrases sous le coup de la colère, qu’elle avait mal interprétées et d’ailleurs les personnes présentes, et notamment les profs, pouvaient en témoigner. Ensuite la juge a pris une décision où le Centre d’Action éducative de S. doit prendre contact avec moi et remettre un rapport sur moi à la juge en juin prochain... Et enfin je suis sorti.



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