TRAITEÂ
CONSTITUTIONNEL : OUI OU NON ?
Il y a
quelque chose de positif dans l’évolution de l’opinion à propos du
projet de « Traité établissant une constitution pour l’Europe » (TCE) :
les citoyens annoncent plus facilement leur choix, ou leur hésitation, que pour
d‘autres scrutins, bien des électeurs se déterminent indépendamment des positions
officielles de leur parti de référence (sinon d’adhésion), un choix personnel
donc et non un réflexe. Mais il faut tempérerÂ
cette affirmation. Les choix sont encore largement pré-déterminés :
si ce n’est pas par la position d’un parti, c’est par la force de certains
préjugés qui transcendent les partis. Et l’éventualité de scissions durables ne
peut être exclue, et avec elle l’aggravation du morcellement de la gauche (je
me tourmente peu du morcellement de la droite) alors qu‘on ne voit pas clairement
aujourd’hui s’il existe une personnalité capable d’opérer un rassemblement
comme cela s’était fait dans les années 1970 autour de Mitterrand. Les
partis et groupes du Non de gauche ne forment pas une coalition capable de
produire un programme alternatif viable et encore moins de le mettre en Å“uvre
en cas de succès électoral.  Â
Quelques
considérations périphériques
- le
texte est très long, verbeux, « monstrueux » (Le Goff). Il mélange
les (projets de) décisions, les bons
sentiments et les vœux qui n’engagent
pas. Il n’a pas fait l’objet d’une explication claire en direction de
l’opinion, à qui on n’a pas bien dit qu’une grande partie du texte (surtout la
partie III) n’est que le rassemblement de textes déjà signés et qui donc, même
si le TCE est rejeté, continueront à s’appliquer : or la majorité des
critiques portent sur cette partie III. C’est la limite du référendum :
cette procédure n’est démocratique que si la question est simple, si on peut lui
répondre par  Oui ou Non. Ainsi, on
pourra demander (plus tard !) : Voulez-vous que la Turquie entre dans
l’Europe ? parce que la réponse est simple ; tandis que l’on peut être d’accord avec tels articles du
TCE et en désaccord avec tels autres articles, et être embarrassé pour décider
ce qui est le plus important et doit commander le choix final. Le référendum est un piège, qui risque
d’ailleurs de perdre celui qui l’a tendu. Â
-Â mais la plupart des grands choix simples ont
été faits depuis parfois plusieurs
décennies, et le nouveau texte ne
pouvait qu’être complexe. Toute réduction en slogans serait une mystification.
- une
mystification qui permet tous les travestissements. Ainsi, j’ai vu sur
Internet un amusant diaporama « Testez vos connaissances… ». Il
reprend des distinctions byzantines entre droit de travailler et droit au
travail (en oubliant que le premier est celui de chaque individu tandis que le second interpelle chaque Etat),
entre droit de se loger et droit au logement (en oubliant l’aide au logement,
94-3), il stigmatise l’absence du mot « fraternité » en oubliant que
le mot « solidarité », plus concret,Â
est présent dès l’article 2 qui liste les valeurs de l’Europe.  Et surtout il a une lecture sélective de
certains articles : c’est une lecture biaisée de l’article 3 (« l’Union
œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance
économique équilibrée et sur la stabilité des prix »)  que de lui faire dire « la priorité de l’Union
c’est la lutte contre l’inflation » ; lecture biaisée aussi de l’article
41-3 qui ferait à chaque pays « obligation d’augmenter son budget militaire » (il
est écrit : « améliorer progressivement les capacités
militaires ») ; sur l’article 6, on frise la manipulation en écrivant
que « la Constitution prime le droit des Etats membres » sans ajouter
« dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à l’Union »,
attribuées par… les Etats membres. La laïcité n’est pas mentionnée dans
l’article 2, mais le pluralisme et la tolérance le sont, et sont
d’ailleurs plus faciles à définir que la laïcité ; on affirme que « la
constitution édicte le statut des Eglises », alors qu’il est écrit (52) que
« l’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu
du droit national, les églises » : ce n’est pas la même chose. L’article
70 sur la liberté de pensée ne fait que
reprendre la Convention européenne des droits de l’homme, déjà reprise en 9-2. Quant
à la liberté de créer des établissements d’enseignement (74), qui est de valeur
constitutionnelle en France, elle s’exerce « selon les lois
nationales ». Mais, pour la Libre Pensée, le projet « est une
véritable machine de guerre contre la laïcité ».
- il y a
d’autres mensonges, qu’on ne peut pas tous mettre sur le compte d’une
lecture rapide. Ils visent bien à faire peur. Ainsi à propos de l’IVG,
qui serait désormais interdite : « Toute   personne
a droit à la vie » (62), cela n’indique pas à partir de quand le fœtus est
considéré comme une personne, et ne modifie pas la législation française sur ce
sujet (112-6). La Convention européenne des droits de l’homme n’a pas fait obstacle
à cette législation, et le 112-3 dit
expressément que les droits que cette Convention garantit sont garantis aussi par le TCE. De même, on veut faire croire que le TCE met
à mal la notion de service public : querelle sémantique à nouveau
sur le sens de l’expression « service d’intérêt économique général »,
et surtout mauvaise lecture du 122 qui distingue
les compétences respectives des Etats et de l’UE (principe de subsidiarité,
11-3) et du 166-2, qui prévoit l’exemption de concurrence si celle-ci faisait
« échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière
impartie » à ces services publics .
- la complexité
du texte explique facilement que l’on regarde ce qu’en disent des
personnalités que l’on respecte ou que l’on critique : voter serait alors
soutenir Chirac et Raffarin ou les rejeter (souhaiter les rejeter ; mais
le président, qui n’a pas le panache de De Gaulle, a dit qu’il resterait de
toutes façons), soutenir Hollande ou encourager Besancenot. L’argument n’est
pas très solide, tant les camps sont hétérogènes : voter avec Chirac,
Bayrou, et Giscard, mais aussi avec Delors, Badinter, Rocard, Jospin, Gilles
Martinet, et un grand nombre de responsables syndicaux français et européens, dont
Edmond Maire, avec Jorge Semprun, Patrick Viveret, avec de grands scientifiques
comme Charpak, de Gennes, Coppens, Jacques Le Goff ou Edgar Morin , ou
avec l’abbé Pïerre ; voter avec Fabius et
Buffet, mais aussi avec Le Pen, Pasqua, Villiers, Chevènement, Besancenot,
Laguiller, et quelques autres responsables syndicaux, sans oublier à leurs
côtés Jacques Calvet, le très libéral ancien PDG de PSA-Peugeot-Citroën. Mais l’argument
est commode dans une polémique…
- plus
élaboré, l’argument qui rassemble tous les sujets de mécontentement des
Français, et ils sont nombreux, du chômage aux retraites et aux inégalités
monstrueuses, de la loi Fillon aux délocalisations, des dates d’ouverture de la
chasse au calibre des poissons à pêcher, du lundi de Pentecôte aux difficultés des
buralistes dans les régions frontalières, etc. Le show Chirac à la télévision
n’a pas seulement permis de constater, s’il en était besoin, combien le
président était loin des préoccupations des jeunes, il a montré aussi que ces
préoccupations étaient loin de l’Europe : le tri sélectif des déchets, le  statut des artisans coiffeurs, les droits des homosexuels,
etc. sont  certes des questions importantes,
mais elles relèvent de législations nationales. On a vu là les conséquences
d’un déficit d’information et de pédagogie sur ces questions. Â
- même si
la question ne se posera pas avant au moins dix ans et si elle sera soumise Ã
référendum, l’opposition à l’adhésion de la Turquie est présente
dans bien des esprits, liée chez beaucoup à une islamophobie plus ou moins
avouée, souvent doublée d’une confusion entre Turcs et Arabes. Le Pen et De Villiers enfoncent  le clou  de la
peur irrationnelle de l’immigration, qu’elle vienne du Sud de la Méditerranée
ou de l’Europe de l’Est. Cela évite à d’autres de le faire, mais ne soyons pas
dupes.
- enfin, le
souverainisme, le refus plus ou moins total de l’idée même d’Europe, reste
vivace, et pas seulement dans une certaine droite. Il se mâtine peut-être de
nationalisme discret, chez ceux qui voulaient bien d‘une Europe dominée par la
France (ou le tandem France-Allemagne) mais qui supportent mal que la France ne
soit plus qu’un Etat sur 25, au même
plan que Malte ou Chypre.
                                        Â
Une
Europe libérale
Si on regarde
maintenant le fond du sujet, on voit que, curieusement, les débats les plus
vifs portent sur la partie III, qui comme on l’a dit est surtout composée de
mesures déjà prises, et non sur les parties I et II, qui sont nouvelles et
permettent une réelle avancée de l’Europe.
Il s’agit du libéralisme.  Deux
remarques ici.
D’abord, on peut le déplorer, mais la majorité des pays européens ont des
majorités libérales (et même, quand elles ne le sont pas, on les soupçonne
de l’être de façon camouflée). Y compris la France. On ne peut pas ne pas
évoquer l’élection de 2002 qui a installé au pouvoir Chirac et Raffarin ;
 pas le second tour de la présidentielle,
qui a conduit un grand nombre de gens de gauche à voter Chirac pour éviter Le
Pen, mais bien le premier tour, qui justement a mis en deuxième position
Le Pen et non Jospin comme on pouvait s’y attendre. Pourquoi ? ceuxÂ
qui ont voulu donner un avertissement à la gauche de gouvernement à qui ils reprochaient de ne pas être assez Ã
gauche et une grande partie de ceux qui se sont abstenus ne voulaient sans
doute pas la victoire de Chirac ; mais ils en sont bien une des causes, Ã
côté de ceux qui persistent à gaspiller leurs voix pour des candidats qui ne savent
qu’être  protestataires et qui gaspillent
leur militantisme en cultivant les rivalités entre groupuscules.
Ensuite, qu’est-ce que le libéralisme, et est-ce bien de lui qu’il est
question  dans le TCE ? Â
On met en avant l’expression « concurrence libre et non faussée »
(3-2) - que l’on trouvait déjà dans
le Traité de Rome en 1957 -  et on évoque
alors un monde de concurrence forcenée,  sans
souci des travailleurs (nombre d’emplois et conditions de travail) ni des
consommateurs (dont la publicité et les médias, souvent aux mains des monopoles,
ligotent à leur insu la liberté de choix). Mais on oublie l’expression « économie
sociale de marché » (3-3), qui « tend au plein emploi et au
progrès social », ce qui encadre et limite la concurrence par la
législation sociale ; il ne s’agit donc pas de ce libéralisme sauvage,
dont on connaît les méfaits.
L’alternative est-elle une économie totalement administrée et
bureaucratisée, genre économie soviétique ? on sait dans quel état des
décennies de ce régime ont laissé aussi bien l’URSS que les « démocraties
populaires », la Chine maoïste ou, aujourd’hui encore la Corée du
Nord et Cuba ; on sait que leur fermeture s’est toujours accompagnée de
totalitarisme. Le problème, la difficulté, c’est de parer aux « dégâts du progrès »,
pour reprendre le titre d‘un livre publié jadis par la CFDT, et donc de définir
et de mettre en oeuvre la responsabilité de l’Etat, supposé démocratique, dans
la marche de cette économie « sociale ». C’est de prévoir et
d’accompagner les mutations, par exemple celles qui sont dues au développement
des échanges entre pays où les niveaux de productivité et les conditions
sociales sont très inégaux. Ce ne
sont pas les préoccupations dominantes de ceux qui trouvent le TCE trop peu
libéral, comme  Madelin. Ceux qui s’y
opposent parce qu’il est libéral ne sont pas très  clairs sur la question des échanges de
marchandises, préférant concentrer leurs attaques sur celle des échanges de
services. Enfin, quand on met en avant comme récemment la montée rapide des importations
de textiles chinois, on se garde d’ajouter que la levée des quotas était
annoncée depuis longtemps et que beaucoup d’entreprises (et de ministres) n’ont
rien fait pour s’y préparer, qu’elle s’accompagne d’une baisse des prix, et
enfin que les Chinois nous achètent - entre autres - des Airbus, entreprise
européenne ; même dissymétrie dans l’indignation à propos d’autres
importations, intra- ou extra-communautaires en oubliant la balance favorable des
échanges agro-alimentaires. On comprend que les travailleurs d’un secteur déterminé soient inquiets quand
les échanges menacent les emplois dans ce secteur, mais le rôle des
responsables économiques et politiques est bien de préparer les mutations
et les reconversions indispensables et non de vouloir perpétuer des
situations dépassées en s’abritant derrière des protections réglementaires. Bien
sûr, s’il s’agit de dénoncer les rentes de situation, les inégalités
salariales, les parachutes en or des dirigeants,  de déplorer que les mutations pèsent plus sur
les petits que sur les dirigeants, on sera facilement d’accord ; mais cela
ne suffit pas à définir une politique économique offensive, et cela n’est pas
lié à l’Europe. Un « niveau d‘emploi élevé » fait partie des
objectifs tant des Etats membres (204-2)
que de l’Union elle-même (205).Â
 Â
Autre grief : la Banque centrale européenne est indépendante de
la Commission ou du Conseil. Cela rend difficile l’utilisation de la monnaie
pour soutenir une grande politique, économique ou sociale ; mais, symétriquement, on ne
doit pas oublier les ravages qu’une inflation incontrôlée a entraîné dans
certains pays, y compris en France il n’y a pas si longtemps, ni que la
victoire sur l’inflation reste fragile, ce qui interdit certaines facilités de
court terme. On se gardera donc d’utiliser trop rapidement cet argument.
Il faut regarder de plus près la difficulté – qui n’est pas seulement celle
des Français – à prendre en considérationÂ
en même temps le point de vue national et le point de vue de
l’ensemble. C’est très net dans l’agriculture, où le solde des échanges est
positif, mais avec des succès pour tel produit et concurrence difficilement
soutenue pour tel autre. Dans l’industrie, on vient de voir les difficultés du
textile français et en même temps les succès de l’Airbus ; l’imprévoyance
des industriels (et des pouvoirs publics sans doute) ne doit pas servir Ã
justifier un repli protectionniste. Mais les problèmes les plus difficiles se
posent dans les services, qui représentent 45 % du PIB français contre
19 % pour l’industrie, et dont, on se garde bien de le rappeler, le solde des
échanges est lui aussi positif. D’où la fixation sur non pas la directive mais
le projet de directive Bolkestein.
Surtout, encore une fois, l’essentiel de la partie III du TCE est déjÃ
acquise, et son contenu ne serait pas remis en cause si le traité était
rejeté.
Â
Une
Europe politique
Par contre,
les parties I et II seraient annulées.
Or elles apportent du neuf, un pas vers l’affirmation d’une Europe politique,
qui aurait une personnalité juridique davantage visible et forte en face des
autres poids lourds que sont les Etats-Unis, la Chine et le Japon, et demain l’Inde : prendrons-nous le
risque d’affirmer devant ces pays que l’Europe préfère rester divisée ? J’ai
lu attentivement le texte d’Etienne Chouard, qui circule beaucoup. Il
inspire le respect, mais il ne me convainc pas. Il ne voit pas bien que le TCE
est un objet juridique d’un genre nouveau, pas seulement un traité, pas
tout à fait une  constitution ;
c’est parce qu’il est traité qu’il n’est pas « neutre » et qu‘il
répond à des objectifs ; mais au fond, et quoi qu’en dise Chouard, n’est-ce
pas le cas aussi d‘une constitution, qui ne naît jamais que dans un contexte politique
déterminé, même si elle est susceptible par la suite de diverses inflexions ?
 En regrettant que le TCE n’ait pas été
rédigé par une Constituante élue à ce seul effet, il ne voit pas que ce qui est
nécessaire et possible à l’échelle d‘un seul pays ne fonctionnerait pas à celle
de 25 pays aussi différents dans leurs traditions et leur culture politiques
que les 25 Etats européens ; sur quelles bases serait-elle élue, sur quels
programmes ? Enfin, en dénonçant « la confusion des
pouvoirs » et en déplorant que
« le Parlement ne (puisse) pas renverser le Conseil des ministres »,
il ne voit pas que ce Conseil n’est pas le conseil des ministres de l’Europe,
mais une seconde chambre, formée d’un ministre de chaque état,
exerçant, « conjointement avec le Parlement, les fonctions législative et
budgétaire » (23-1). On
critique la bureaucratie bruxelloise en tant qu’irresponsable
politiquement (et en tant que bureaucratique aussi…) : le rôle du Parlement
européen, émanation du suffrage universel, est renforcé, on va vers un
gouvernement identifiable et responsable devant le Parlement. Si cette
Europe est à tendance
« libérale », c’est parce que les électeurs le sont eux-mêmes
majoritairement ; le combat pour une meilleure orientation passe par des
programmes convaincants et efficaces, et non par le rejet du TCE. Les
garanties sociales sont maintenues, voire augmentées. Les contre-pouvoirs, les
syndicats notamment, sont consolidés. Les droits fondamentaux de
l’homme sont réaffirmés et élargis, et, lorsque dans tel pays ils sont
supérieurs à ceux que proclame le TCE (ou la Convention européenne), ils y restent
en vigueur. Ceux qui affirment le contraire ou bien sont de mauvaise foi ou
bien lisent de travers.  En matière
sociale, où les législations sont très inégales d’un pays à l’autre, il y a une
clause de non-régression : là où le droit national est plus
favorable que le droit communautaire, c’est lui qui continue Ã
s’appliquer ; on peut penser aux 35
heures. Â Â
Et, pour le nationaliste qui subsiste dans bien des gens de gauche, la place
de la France, son poids dans les instances, sont nettement améliorés.
Â
Renégocier ?
Tout cela
ne suffit pas à donner un souffle héroïque au texte. Cela ne suffit pas à faire
oublier les faiblesses, les lenteurs, les frilosités de l’Europe. Mais il ne faut
pas oublier non plus les progrès qu’elle a accomplis ou permis, l’amélioration
du niveau de vie en général, et en particulier dans les pays de l’Est au sortir
d’une longue hibernation, comme ce fut le cas avant eux pour les pays du
Sud, le développement des contacts,
notamment entre les jeunes, garants de paix, la paix maintenue à l’intérieur de
l’Europe depuis soixante ans, à quelques frictions près.
Tout cela
serait compromis par un rejet du traité. Au niveau global, ce serait au profit
de l’emprise des Etats-Unis sur certains pays européens et globalement
dans le monde. Au niveau français, ce serait l‘affaiblissement de la gauche, du
moins la gauche capable de gouverner, à l’approche de 2007, au profit d’une gauche
de gesticulation, d‘incantation, de surenchère sans fin et finalement
d’impuissance. Et, en attendant 2007, Chirac toujours en place.
Certains veulent
écarter ces prévisions pessimistes en disant qu’un rejet du traité n’entraînerait
qu’une renégociation ; cette idée est d’une « naïveté criante »,
vient de dire le président en exercice du Conseil européen. C’est faire preuve
de suffisance à l’égard des autres états : rien ne peut les obliger Ã
lancer une nouvelle, et longue, (re)négociation ; cette éventuelle
renégociation se tiendrait en tous cas dans un climat défavorable à la France qui
aura fait capoter l’entreprise et
compromettrait le poids que le TCE dans son état actuel lui donne dans les
instances. Le plus vraisemblable est qu’il n’y aurait pas de changements dans
la façon dont fonctionne l’UE, si ce n’est que plusieurs pays, notamment Ã
l’Est, seraient tentés de profiter de la
circonstance pour se lier davantage aux Etats-Unis.  D’autres, ou les mêmes, déplorent que le TCE
ne puisse être révisé qu’à l’unanimité des pays membres : mais
c’est le propre d’un traité entre Etats souverains ; l’alternative est la
dénonciation unilatérale de ce traité par un ou plusieurs de ses signataires,
avec tout ce que cela implique au plan diplomatique. Enfin, bien des points
sont renvoyés à des décisions ultérieures, ainsi des procédures de l’initiative
citoyenne et notamment du nombre de pays dont devront émaner les proposants
(47-4) : le contexte politique jouera évidemment à ces occasions.
¤¤¤
Assurément,
le TCE présente des ambiguïtés et des
lacunes ; mais il ne pouvait pas
tout dire, et il faut laisser aux esprits le temps d’évoluer dans chaque pays
pour rapprocher les points de vue et les pratiques ; on ne peut pas
imposer à tous nos partenaires le rythme très volontariste, parfois prétentieux,
 de certains militants. Assurément la
procédure référendaire est inadaptée au sujet, mais elle est en route.
Assurément on aurait envie de sanctionner le promoteur du texte en France, mais
ce n’est pas l’occasion. On serait tenté de voter Oui mais, en
insistant sur le mais…. Mais c’est impossible, et s’abstenir pour
cette raison c’est laisser le champ libre à l’agrégat incohérent des partisans
du Non.
Par contre,
quand le référendum sera passé, et quel qu’en soit le résultat, il faudra
peut-être devenir sérieux en
pensant à 2007.
Jacques
George                                                                 Â
4 mai 2005