pour imprimer le texte

 

 

Par ce que le monde est monstrueux. Par ce que le monde ne peut mener un homme qu’au dĂ©sespoir, un dĂ©sespoir si total, si absolu, que rien n’ouvrira la porte de cette prison, l’absence de toute espĂ©rance. A. s’efforce de regarder Ă  travers les barreaux de sa cellule et dĂ©couvre une pensĂ©e, une seule, qui le console quelque peu : l’image de son fils. Et pas uniquement son fils, mais un fils, une fille, nĂ©s de n’importe quel homme ou de n’importe quelle femme. Par ce que le monde est monstrueux. Par ce qu’il ne paraĂ®t proposer aucun espoir d’avenir, A. regarde son fils et comprend qu’il ne doit pas se laisser aller au dĂ©sespoir. Il y a la responsabilitĂ© de ce petit ĂŞtre, par ce qu’il l’a engendrĂ©, il ne doit pas dĂ©sespĂ©rer. Minute par minute, heure par heure, lorsqu’il demeure en prĂ©sence de son fils, attentif Ă  ses besoins, dĂ©vouĂ© Ă  cette jeune vie qui constitue une injonction permanente Ă  demeurer dans le prĂ©sent, il sent s’évanouir son dĂ©sespoir. Et mĂŞme si celui-ci persiste, il ne se l’autorise plus.

Paul Auster, L’Invention de la solitude,

Le Livre de Poche.

 


pour imprimer le texte


Haut de la page


COPYRIGHT 2002-2021 Bernard Defrance - tous droits réservés