Je m’appelle Umit Demirci,

de parents turcs immigrés ouvriers.

 

On dit que l’habit ne fait pas le moine, c’est vrai, alors pourquoi si vous êtes habillé et si vous parlez comme un mec des cités, on vous prend forcément pour un délinquant ou pour quelqu’un sans avenir ?! C’est souvent ce que pensent les profs, qui ne vous connaissent pas vraiment, qui vous jugent, influencés par ce stéréotype.

J’ai longtemps cru ce que disaient les profs de moi : turbulent, « j’m’en foutiste », irresponsable, touriste, inadapté à la communauté scolaire ; tous ces termes apparaissaient sur mes bulletins. Je pense que souvent c’est parce qu’on vous dit que vous êtes de la sorte, qu’on devient de plus en plus comme cela. Ça ne fait qu’accentuer et empirer les choses. Pourquoi être correct avec des gens ou des professeurs qui ne vous respectent pas ou pour qui vous êtes un moins que rien ?

Bref, sur le point de me faire virer du lycée à deux mois du Bac, j’avais été convoqué avec mes parents… Et là, mes parents ont tout découvert : les faux mots d’excuses « auto-signés », les retards et absences injustifiés, et les multiples avertissements des profs. Surpris mes parents ont demandé ce qu’il allait se passer, car huit de mes dix profs voulaient me virer car ils me considéraient trop moyen et surtout comme « l’élément perturbateur » de la classe ! On m’a accordé une dernière chance… On m’a pardonné comme tous les pardons accordés à un enfant après une bêtise !

À ce moment un professeur était intervenu et avait dit à mes parents : « Moi, je crois en lui, il n’est pas bête, s’il le veut, il peut obtenir le Bac avec mention », alors que, d’après les profs qui me maudissaient et d’après ce qu’ils disaient sur mon compte, j’espérais seulement atteindre le rattrapage et avec un peu de chance peut être que… Eh bien après ça, je me suis dit que ces profs ne me connaissaient peut-être pas, et si ceux qui me connaissaient vraiment croyaient en moi, – comme vos propres parents pour qui vous êtes le meilleur, ou au moins, vous encouragent ! –, alors c’était peut-être possible…

Après quelques remises en question et avec acharnement personnel, comme pour montrer que vous êtes quelqu’un et donner tort à ceux qui vous jugent, j’ai continué ma route vers ce fameux Bac. L’heure des résultats est arrivée : j’obtenais mon Bac avec mention assez bien !

De là, j’ai enchaîné avec un BTS industriel, pas très coté, mais ça faisait l’affaire pour deux ans. Au cours de ces deux années de classe préparatoire, de même, telles des persécutions, les profs vous rabaissent psychologiquement, vous font perdre espoir à petit feu, car on ne vous dit jamais vraiment ce qu’on pense de vous, on vous le fait ressentir ! À croire qu’ils connaissent notre propre avenir, en nous considérant comme ne devant arriver à rien, donc en ne misant pas sur nous ! Voilà, j’ai obtenu mon BTS avec 13 de moyenne générale, étant un des plus jeunes de ma classe. Je me demandais alors ce que j’allais faire après. À 19 ans à l’usine, avec un BTS, ça ne m’intéressait pas du tout. D’autant plus que le bleu de travail, les machines, l’huile… ne sont pas trop mon truc. J’ai essayé d’intégrer une école d’ingénieurs, ce qui paraissait comique pour certains. À croire que moi, ma personne, et le mot « ingénieur » n’étaient  pas cohérent !

Et plus le temps passait, plus je me disais que je pouvais tout réussir, qu’il n’y a pas de loi contre ça, que je pouvais aller contre certaines pensées, aller contre la force des choses. Comme si la force des choses était de dire que je ne réussirai pas, c’est en tout cas ce que l’on vous fait sous-entendre. Un professeur ne sait pas à quel point il peut influencer les pensées d’un élève, comment il peut lui apprendre et agir sur lui ! Multipliez ces réflexions négatives par le nombre de profs qui ne vous apprécient pas, cela peut avoir de lourdes répercussions sur le mental d’un élève et sur ses espoirs.

Je pense qu’ayant passé une partie de ma jeunesse dans des milieux défavorisés, « les cités » de Meaux, j’aurais voulu répondre à certains de ces profs par agressivité, par violence comme on l’apprend naturellement dans ces zones.  À chaque fois que j’ai montré mon agressivité ou ma violence j’ai toujours perdu face à ces représentants fonctionnaires. Mais aujourd’hui je pense que la meilleure réponse est de montrer qu’ils se sont trompés à votre sujet, ils se sentent plus cons lorsque vous leur rendez un devoir qui vaut 18 sur 20, alors qu’ils vous estimaient entre 5 et 7 sur 20, tout en vous « insultant poliment » en vous traitant de touriste ou de bandit !

Je suis actuellement en projet de fin d’études au Centre National de Recherche du Canada, au Québec, je termine une des meilleures écoles ingénieurs de France à 22 ans ! Qui l’aurait prédit ?  MOI.

Et l’année prochaine j’effectue un MBA, mastère en Business, au Québec. Je suis et serai peut-être plus diplômé que la plupart des profs qui avaient des mauvais préjugés sur moi. Je ne leur en veux pas, après tout ! Peut-être m’ont-ils aidé, sans le savoir, à m’exprimer, à réussir, pour leur donner tort ! Mais je suis persuadé que ce n’est pas la meilleure méthode !

Quoiqu’il se passe, quoiqu’on pense de vous, vous êtes le seul maître de votre destin.

CROYEZ EN VOUS !

 

Umit Demirci, le 24 mars 2002,

ancien élève du lycée Pierre de Coubertin à Meaux (1994-1997).