J’avais 19 ans, c’était le soir, j’étais
passé prendre un ami et nous sortions de chez lui. Alors que nous attendions à
l’arrêt de bus de la gare, nous avons vu un homme, blanc, qui avait l’air
d’avoir beaucoup bu. Il sentait l’alcool et il était débraillé... Il a commencé
à nous parler de choses et d’autres, dont je ne me rappelle plus exactement. Je
suppose que, comme mon copain et moi sommes noirs, il nous a parlé de Martin
Luther King, des États-Unis, de la France... Au début j’étais très méfiant : ce
n’est pas qu’il avait l’air méchant, mais tout de même on ne sait jamais ce
dont quelqu’un est capable après avoir trop bu ! Par conséquent, j’essayais
d’esquiver, mais je me suis rendu compte, petit à petit, que ce qu’il disait
n’était pas totalement faux. C’est vrai que lorsqu’on boit, bien souvent, on
peut dire les choses qui sont le plus profondément enfouies en soi. Je n’ai
jamais bu mais je le sais.
J’ai donc commencé à lui répondre, à lui
poser des questions aussi, sur lui, son âge, etc. Et à ma grande stupeur j’ai
appris qu’il était policier ! Je ne voulais pas le croire ! Il m’a même montré
sa plaque, c’était la première fois que je voyais une plaque de policier.
C’était aussi la première fois que je parlais de façon aussi ouverte avec un
policier... Pour la première fois de ma vie j’entendais un policier me raconter
sa vie. Je me suis alors rendu compte à quel point les policiers pouvaient
souffrir au fond d’eux-mêmes, et combien c’était loin d’être facile que d’être
policier !
Ils nous a dit qu’il buvait pour oublier
et se " déstresser ". Je lui ai expliqué que l’alcool n’était pas une
solution : lorsqu’on boit on oublie ses problèmes mais ce n’est que pour un
moment, et une fois ce temps de latence ou d’errance passé, les problèmes
reviennent au grand galop et de plus on se " pourrit " soi-même de
l’intérieur. Je ne bois pas mais je le sais.
C’était la première fois que je
rencontrais un policier en le découvrant comme un être faible.
Ritchy
Hitoto,
TS2,
lycée Maurice Utrillo, mars 2000.