La conscience

 

 

 

1. « Conscience » : cum scientia, « accompagné de savoir » ; l’homme agit, sent et pense ; le fait d’être conscient est de savoir que l’on agit, sent et pense.

 

2. L’homme est chose parmi les choses, vivant parmi les êtres vivants, donc dans le monde ; et, à la fois, par la conscience, devant le monde, dont il se détache pour le penser.

 

3. Cependant, la conscience ne donne pas accès directement à l’intelligence du monde et de soi, mais est d’abord conscience de son ignorance : qui suis-je ? qu’est-ce que ce monde ?

 

4. La conscience ouvre donc une distance entre soi et le monde, entre soi et soi, c’est-à-dire un espace d’interrogation, de questionnement, de doute, qui rend possible le travail de la science et de la philosophie.

 

5. La seule certitude qui résiste au doute est précisément celle de douter, c’est-à-dire de penser : c’est le « cogito, ergo sum » cartésien. Je ne peux pas penser sans penser en même temps que j’existe.

 

6. Mais cette certitude n’implique pas la nécessité de mon existence : je pourrais ne pas être, mon existence est contingente. Le cogito implique seulement que je ne peux pas penser sans exister, et que donc la “ pensée ” « je ne suis pas » est impensable.

 

7. Qui est ce je ? Comment connaître « ce que je suis, moi qui suis certain que je suis » (Descartes) ? Passer du je au moi suppose l’hypothèse de l’identité et de la permanence du sujet.

 

8. Et cette identité, bien loin d’être donnée, se construit : l’enfant commence à parler de soi à la troisième personne ; l’identité du sujet est le résultat d’une activité.

 

9. Mais la conscience de soi n’est toujours pas connaissance de soi, elle permet seulement la distinction progressive du sujet et de l’objet (le moi et le non-moi, et, parmi les objets, ces “ objets ” singuliers que sont les autres sujets).

 

10. La tentative pour se connaître (« Connais-toi toi-même ») suppose que la conscience se prenne elle-même pour objet : ce qui caractérise l’activité même de réflexion, et donc la distinction entre la conscience immédiate et la conscience réfléchie.

 

11. “ Avoir conscience ” et “ être conscient d’avoir conscience ” distingue donc deux moments, et, dans le second, le sujet se saisit lui-même comme conscience. La conscience de soi réfléchie suppose donc d’abord une conscience de soi non réfléchie.

 

12. Toute conscience est donc conscience de… C’est ici l’intentionnalité de la conscience qui est déterminante : ex-sister, se tenir “ hors de soi ”, se projeter dans… autant de marques d’inscription dans le temps (appropriation du passé et projection dans l’avenir) et l’espace (conscience du familier et de l’étranger) qui signent la spécificité des actes humains.