La liberté

les structures de l’action libre

 

 

1.      Si je veux conduire n’importe quelle action, alors je dois rassembler un certain nombre de conditions matérielles, qui tiennent aussi bien à mes aptitudes qu’aux choses mêmes et/ou à autrui : je ne peux exercer ma liberté d’expression, par exemple, que si je maîtrise le langage parlé et/ou écrit, si les conditions acoustiques ou matérielles d’écriture (et de reproduction et diffusion), et enfin si autrui m’écoute.

2.      « Si je veux » : la délibération et la décision mettent en œuvre la volonté, par laquelle j’évalue les avantages et inconvénients, immédiats ou à terme ; les habitudes et automatismes intériorisés permettent dans un très grand nombre d’actions banales de se dispenser de cette phase de délibération préalable.

3.      Ainsi, les contraintes matérielles et les obligations sociales ne sont pas des obstacles à ma liberté, mais ses conditions d’exercice effectif.

4.      Cependant, des contraintes matérielles peuvent m’être imposées si autrui ne respecte pas ma liberté, de même que des obligations alors perverties en contraintes ; et réciproquement.

5.      Dès lors ma liberté d’action ne connaît de limites que dans la mise en œuvre de ses moyens (exercice : inventorier les contraintes matérielles qui tiennent au sujet de l’action et aux objets sur lesquels elle s’exerce, ainsi que les obligations sociales qui découlent du fait qu’autrui veut exercer la même liberté dans les mêmes temps et lieux – par exemples : parler, jouer, se déplacer, recevoir des amis, obtenir un diplôme… réaliser n’importe quel projet, à court, moyen ou long terme).

6.      Bon nombre de ces actions, de même que la réalisation de tel ou tel projet, impliquent autrui : les obligations sociales qui en découlent vont s’actualiser en coutumes, habitudes, rituels, règles de comportement, lois civiles et pénales, valeurs morales et principes éthiques.

7.      Dès lors que mon action implique autrui, il y a (soit déjà élaborée, soit à établir) « de la loi » qui règle cette action dans la réciprocité ; pour les lois « déjà là », le citoyen en vérifie, avant d’y obéir, la rationalité et/ou la moralité : ce qui est légal n’est pas forcément légitime, et réciproquement.

8.      La loi apparaît donc comme l’outil d’articulation des libertés : ma liberté ne s’arrête pas là où commence celle de l’autre, mais au contraire commence là où, plus exactement au moment où commence celle de l’autre. Si une loi n’augmente pas la liberté collective, elle est illégitime et peut entraîner un devoir de désobéissance.

9.      Tout interdit ne peut alors se justifier que par ce qu’il autorise : les « devoirs » sont la conséquence de l’exercice effectif des droits.

10.  Reste alors à analyser le poids des déterminations matérielles, psychologiques et sociologiques (éducatives) dans la délibération et la décision de conduire telle ou telle action, de se conduire de telle ou telle manière… : « Je ne suis pas responsable de ce que l’on a fait de moi, mais je suis responsable de ce que je fais avec ce que l’on a fait de moi. » (Jean-Paul Sartre).