Oui, le fournisseur d'oxygène. La section casino de chaque hôtel du Strip est très étendue, mais elle est également basse de plafond et privée de fenêtres, si bien que l'air qui y circule, à l'exception de la lisière des machines à sous près du comptoir de réception et de l'entrée principale, est complètement artificiel. C'est de l'air conditionné, bien sûr, dont la température et la qualité sont contrôlées dans une salle spéciale, à l'arrière de l'hôtel, à côté des cuisines et tout près de la plate-forme de livraison. Mais la climatisation n'est pas tout. Chaque nuit, entre minuit et huit heures du matin, l'air contrôlé que l'on envoie depuis cette salle dans le vaste espace du casino est adouci avec un petit supplément d'oxygène pour le rendre plus riche que l'air respiré par le commun des mortels. En conséquence, ils n'ont pas envie d'aller se coucher, pas tout de suite. Ils ont envie de rester encore un peu près des tables, de jouer encore quelques minutes, et plus gros jeu. Qui sait ? La chance pourrait tourner.

Les casinos de Las Vegas sont des aspirateurs conçus dans un seul et unique but : pomper l'argent caché dans les poches, les sacs à main, les comptes d'épargne, les polices d'assurance et les tirelires de la clientèle. Dans cette perspective, faire cracher quelques dollars de plus aux braves gens, ils adoucissent l'air entre minuit et huit heures.

 

Donald Westlake,

 Au pire, qu’est-ce qu’on risque ?, Rivages-Noir, p.344.