Les flics manquent d’adresse

 

Le Canard Enchaîné – 24 décembre 2002

 

 

 

 

L’ordre règne à Chaumont (Haute-Marne)… Pour arrêter un dangereux trafiquant de drogue, policiers et gendarmes locaux avaient préféré faire appel au prestigieux Groupement d’intervention de la police nationale (GIPN). Le 12 décembre, donc, à 6 heures du matin, les flics d’élite encagoulés se pointent devant le domicile du suspect, enfoncent sa porte (bien qu’elle ne soit pas verrouillée), se ruent sur lui, le menottent, le maintiennent au sol et lui envoient quelques pains à la figure et dans les côtes pour le calmer. Et c’est parti, comme au cinéma : tandis qu’ils le braquent de leurs flingues avec le petit point rouge caractéristique de la visée laser, ils fouillent la maison de fond en comble, retournent tout sur leur passage, balançant et piétinant tout ce qu’ils trouvent : armoires, matériel électronique, CD, linge de maison.

Au bout d’un quart d’heure, ils allument la lumière : surprise, leur captif n’est pas l’individu recherché ! Fatalitas, il y a erreur sur l’adresse. Le trafiquant habite en fait la maison voisine, planquée derrière celle du malheureux qui a tout pris. La simple lecture des noms sur les boîtes aux lettres aurait évité cette cabossante erreur. Histoire de ne pas perdre la face, les as du GIPN ont malgré tout embarqué le malheureux à la gendarmerie la plus proche. Avant de le relâcher sur les coups de midi. Quant au vrai, qui n’était pas chez lui, il a été arrêté quelques heures plus tard, à l’adresse de son amie, chez qui il était allé dormir, comme l’a raconté L’Affranchi de Chaumont (20-12). La victime de cette bavure musclée, qui a dû aller aux urgences seul, est un jeune maçon portugais. Il porte aujourd’hui une minerve, n’ose plus habiter sa maison dévastée et ne parvient pas à reprendre son travail. La gendarmerie a affirmé que la maison de derrière avait l’air d’une « dépendance » de celle « visitée », et qu’il n’y avait pas eu de violence inutile.

Nul doute que Sarko va se rendre sur place pour le réconforter et l’aider à ranger, après avoir sanctionné sans pitié les auteurs de l’erreur.