À cette profondeur seul mène, en premier lieu, le chemin interne que nous appelons aussi rencontre de soi-même, la préparation du mot intérieur sans laquelle tout regard jeté sur le monde extérieur reste sans valeur et nul aimant, nulles forces ne peuvent attirer la parole intérieure vers l’extérieur ni la faire triompher de l’erreur du monde. Mais à la fin, après cette plongée verticale interne, il faut que se déploient le vaste espace, le monde de l’âme, la fonction externe, cosmique de l’utopie qui lutte contre la misère, la mort et le monde superficiel de la nature physique. C’est en nous seuls que brille encore cette lumière et la marche imaginaire vers elle commence, la marche vers l’interprétation du rêve éveillé, vers l’utilisation du concept utopique dans son principe. C’est pour la trouver, pour trouver ce qui est juste, ce pour quoi il convient de vivre, d’être organisé, d’avoir du temps, c’est pour cela que nous allons, arpentant les chemins métaphysiques constitutifs, c’est pour cela que nous appelons ce qui n’est pas, que nous bâtissons dans l’inconnu, que nous nous bâtissons dans l’inconnu et cherchons le vrai.

 

                                                          Ernst Bloch, Le principe espérance.