Il n’est pas difficile d’admettre que les lois doivent favoriser les malheureux et les pauvres, si nous voulons respecter la parole de Dieu, la justice et l’équité. En effet le but du prince excellent est que tous vivent dans les meilleures conditions possibles ; aussi est-il évident que les lois doivent soulager ceux qui souffrent, conforter les pauvres et certes pas les puissants, qui n’en ont assurément aucun besoin.

Quel est donc le devoir d’un seigneur ou d’un juge équitable et juste ? Il est de secourir les pauvres, de protéger et soutenir les affligés. Pour cette raison, celui qui observe les lois selon les instructions reçues n’est pas juste mais cruel. Juste est celui qui ramène la loi à l’esprit du législateur, non celui qui la ramène à la lettre. L’intention du législateur tient compte non seulement du fait en soi, mais encore de la cause du fait, de la nature de celui qui commet une faute, tout autant que de la nature de ses acolytes. Juste est le juge toujours enclin à la sentence la plus clémente (...) ; son inclination joue en faveur du coupable quand il prend en considération les injustices que ce dernier a subies, les vexations qu’il a essuyées de la part de celui qu’il a tué, ses interminables angoisses, le péril de sa vie, son jeune âge, son peu de maturité, les sollicitations des autres, son repentir pour le méfait, sa vertu (...).

Réfléchis, homme inique, qui condamne un de tes semblables, aux graves fautes que tu as toi-même commises : quelle punition ne mériterais-tu pas si la rouerie ne couvrait pas tes actes et si ton pouvoir exorbitant ne te protégeait ? Qui se comporte avec cruauté envers des faibles ne peut être pardonné, parce qu’il s’est rendu sciemment coupable. Qui condamne les hommes au nom de la loi se comporte rarement avec honnêteté.

Jérôme Cardan, Encomium Neronis, 1562.